Gotainer ramène sa phrase, et nos zygomatiques avec

Vu à Avignon, le spectacle « Gotainer ramène sa phrase » révèle un Richard Gotainer poète et drôle, entre théâtre et chanson. L’artiste revient dans Rencontres sur sa carrière, son amour des mots, la publicité, la créativité et son éternelle âme d’enfant.

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en entrant dans la petite salle du Théâtre de la Luna à Avignon. Richard Gotainer, le trublion des mots, annonçait un spectacle intitulé « Gotainer ramène sa phrase ». J’imaginais une suite de chansons, des jeux de mots, un cabaret peut-être. Mais ce fut bien plus que cela : un moment suspendu entre poésie, tendresse et éclats de rire. Un spectacle unique, inclassable, où chaque texte prend vie comme une fable, où la guitare de Brice Delage se transforme en décor sonore et complice de jeu. Richard Gotainer n’y chante pas : il interprète ses textes, les habite, les incarne, dans un enchaînement d’une vingtaine de tableaux tour à tour drôles, absurdes ou profondément humains. Un moment d’art rare, que l’on retrouve en tournée sur le site officiel de Richard Gotainer.


 


Richard Gotainer, l’artisan des mots et des idées


Chanteur, comédien, réalisateur, publicitaire… Richard Gotainer cultive depuis plus de quarante ans un goût immodéré pour la langue française. Ses chansons décalées comme Le Youki ou Le Sampa font partie du patrimoine populaire, tout comme ses slogans publicitaires légendaires : « On se lève tous pour Danette », « Buvez, éliminez » ou « Infinitif ». Dans notre entretien pour le podcast Rencontres, l’artiste revient sur son parcours, son héritage culturel et sa vision de la créativité.


 



 


Sur scène, il évoque son père « punk » et sa mère « hippie », deux personnalités qui ont nourri son imaginaire. « Comme tous les enfants qui ont été élevés dans l’amour, je leur dois plein de choses. Déjà leurs gènes, et la courte échelle qu’ils m’ont faite vers l’instruction », confie-t-il avec humour. Les premiers disques que son père lui a transmis Brassens, Becaud, Mozart  ont façonné sa sensibilité. « Brassens m’a beaucoup influencé dans ma façon d’écrire. À chaque ligne, il y a une invention », dit-il.


 


De la chanson à la publicité : même exigence, même esprit


Avant d’être connu pour ses refrains, Gotainer s’est imposé dans la publicité. Il y a appris la rigueur et la concision : « La pub, c’est comme les rédactions à l’école. On vous dit : restez sur le sujet, faites court. Montesquieu disait : “Excusez-moi, je n’ai pas eu le temps de faire plus court.” »  Cette exigence d’efficacité, il la transpose dans la chanson, où chaque mot compte. « Il n’y a pas de différence entre faire une pub ou une chanson. C’est le même état d’esprit », assure-t-il.


Mais la publicité, dit-il, a aussi ses frustrations. « La création est souvent confrontée à un mur : le marketing. Et surtout au directeur marketing. Les directeurs de création ont été éjectés par ceux qui ne savent pas créer ». Il se souvient encore d’un spot refusé qu’il regrette : « Pour Apéricube, on avait écrit un opéra de 8 secondes : “Je te montre mon cube, tu me montres ton cube…” C’était très bon, mais jamais vendu ! »


 


Créativité, réécriture et persévérance


Quand on lui demande s’il a une recette créative, il répond sans hésiter : « Non, il faut être obsédé. Il faut choper une idée et bosser. Ce n’est pas de l’écriture, c’est de la réécriture. » Il raconte aussi ses nuits à griffonner des mots à moitié lisibles sur sa table de chevet : « Même la nuit, j’écris sans lunettes. Il faut noter l’idée, parce qu’elle ne repasse pas deux fois. »


Pour lui, la créativité n’est pas un don : c’est un état d’attention au monde. « Il faut être observateur, à l’écoute du monde qui vous entoure. » Et surtout, ne pas laisser les autres dénaturer l’idée originale : « Quand on commence à discuter pour vendre une idée, c’est perdu d’avance. Il faut créer le coup de foudre. »


 


Une vie d’artiste entre humour, poésie et liberté


Sur scène, Gotainer revendique une liberté totale : « Je ne suis pas un chanteur engagé. Je ne suis pas polémiste. Je préfère tendre la main à quelqu’un plutôt que de défendre une cause que je risquerais de salir. » Ses textes, pourtant, touchent souvent juste : critique de la vulgarité dans Sa Père l’Hippopète, réflexion écologique dans un texte prophétique écrit en 1990 sur la disparition de l’eau… preuve que l’humour et la légèreté peuvent être des armes de lucidité.


Dans son spectacle, il joue avec Brice Delage, guitariste-bruiteur complice : « Je ne suis pas accompagné, je suis enjolivé. Il me fait un moustique, un avion, il décore mes mots. » Ensemble, ils livrent un duo drôle, théâtral et tendre. « C’est un spectacle fait d’une vingtaine de tableaux qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. On est là pour s’amuser. »


Et l’amusement, chez Gotainer, rime avec vitalité. « Il faut garder la main du gamin qui s’étonne de tout. Sinon, on devient vite un vieux con. » Plus qu’une maxime, une philosophie de vie.


 


La passion intacte


Après plus de quarante-cinq ans de carrière, Richard Gotainer continue de se décrire comme un artisan. « Je fignole, je chiade, je travaille au poil de cul près ! » plaisante-t-il. Ses clips récents, soigneusement mis en scène, témoignent de cette exigence. Et quand on lui demande la chanson qui lui redonne le sourire, il répond sans hésiter : « Devil Inside d’INXS. Vous mettez ça, j’ai tout de suite envie de danser. »


Une vie d’écriture, de musique et de fantaisie, menée sans se soucier des modes. Richard Gotainer ramène ses phrases, encore et toujours, avec la même énergie contagieuse.


 

Publié : 9h24 par

Passionné d'animation depuis l'âge de 14 ans, a pris les commandes de la matinale d'RTS à seulement 19 ans, poste qu'il a occupé pendant 13 ans. Après des études de sciences économiques à Montpellier, il occupe plusieurs postes chez RTS, devenant successivement responsable d'antenne, animateur, responsable technique. Aujourd'hui directeur général de la radio et de la régie publicitaire RTS Communication, il est également directeur de publication, avec une spécialisation dans l'actualité high-tech, économique et environnementale. Secteurs préviligiés : High-Tech, IA, Economique, Environnement