Déserts médicaux : l'urgence d'une réponse structurelle
Alors que la France se targue d’un système de santé accessible à tous, une fracture sanitaire s’intensifie. Zones rurales, quartiers oubliés, petites villes : les déserts médicaux s’étendent, exposant des millions de citoyens à des difficultés croissantes pour accéder aux soins. Face à ce phénomène, les solutions financières montrent leurs limites. Désormais, c’est toute une stratégie territoriale, éducative et humaine qu’il faut repenser. Un sujet issu de l’expertise de Daniel Deswel, conseiller litiges à l’UFC Que Choisir de Sète
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Une fracture territoriale en pleine expansion
Un désert médical, c’est avant tout un lieu où l’accès aux soins devient anormalement difficile. Il ne s’agit pas seulement d’un manque de médecins, mais aussi de distances excessives à parcourir pour consulter, de délais trop longs pour obtenir un rendez-vous, et d’une raréfaction générale des services de santé. Si les zones rurales sont historiquement touchées, certaines banlieues ou petites villes commencent elles aussi à souffrir d’un accès aux soins gravement compromis.
Comprendre les causes profondes
Cette désertification médicale s'explique en grande partie par une répartition déséquilibrée des professionnels de santé. Les médecins préfèrent massivement s’installer dans les grandes agglomérations, attirés par un cadre de vie plus dynamique, des infrastructures modernes et des perspectives de carrière plus intéressantes. En parallèle, le vieillissement de la population médicale aggrave la situation : de nombreux praticiens partent à la retraite, sans relève suffisante. Les jeunes diplômés, quant à eux, hésitent à s’installer dans des zones isolées, préférant les postes hospitaliers ou les environnements urbains plus stimulants.
La formation joue aussi un rôle majeur. Les choix d’orientation des étudiants en médecine sont fortement influencés par leur environnement d’origine et leur lieu d’études. Les grandes villes concentrent donc non seulement les praticiens en activité, mais aussi les futurs médecins en formation, renforçant mécaniquement l’attractivité des zones déjà bien pourvues.
Quand l’argent ne suffit plus
Face à cette pénurie, les pouvoirs publics ont longtemps misé sur les incitations financières. Mais le bilan est décevant. En 2007, une mesure prévoyait une rémunération 20 % plus élevée pour les médecins acceptant de s’installer en zone très sous-dotée, à condition de travailler en exercice regroupé. Trois ans plus tard, seuls 60 médecins avaient répondu à l’appel, malgré un coût de 25 millions d’euros par an. Une autre initiative, lancée en 2009, proposait une allocation mensuelle de 1 200 euros aux étudiants en médecine en échange d’un engagement à exercer dans une zone déficitaire. Sur plus de 3 300 contrats signés en une décennie, moins de 650 installations effectives ont été enregistrées.
Depuis 2017, une prime de 50 000 euros est proposée aux médecins qui acceptent de s’installer dans un désert médical pendant au moins cinq ans. Là encore, le succès reste limité : en cinq ans, à peine plus de 2 000 contrats ont été signés. Ces chiffres montrent que les incitations économiques, aussi généreuses soient-elles, ne parviennent pas à enrayer une dynamique bien plus profonde.
Miser sur la jeunesse locale : une piste prometteuse
Les études récentes confirment que les jeunes médecins choisissent souvent d’exercer près de leur lieu de naissance ou d’études. Sur cette base, plusieurs régions ont commencé à adapter leurs stratégies. En augmentant les places d’internat dans les facultés situées dans des territoires sous-dotés comme Clermont-Ferrand, Amiens ou la Guyane, l’objectif est de former sur place ceux qui resteront plus tard.
Mais certaines initiatives vont encore plus loin. À Saint-Céré, dans le Lot, le lycée Jean-Lurçat pilote une « cordée santé » depuis plus de dix ans. Ce dispositif national vise à préparer les lycéens issus de zones fragiles à des études médicales. Les élèves, sélectionnés dès la seconde, reçoivent un accompagnement personnalisé : soutien en sciences, techniques de mémorisation, gestion du stress, immersion dans des services hospitaliers ou rencontres avec des professionnels en exercice. L’objectif est de leur donner les clés pour réussir des études exigeantes, avec l’espoir qu’ils reviennent exercer dans leur territoire d’origine. Ce pari sur le long terme est soutenu par la communauté de communes Cauvaldor, convaincue que la relève viendra d’une jeunesse formée et engagée localement.
L’université de Picardie mène une démarche similaire. Depuis 2014, une « cordée de la réussite » en santé a permis à des centaines de lycéens, puis de collégiens, d’entrer en contact avec l’univers médical : visites, stages, journées d’immersion à la faculté, échanges avec des praticiens. Les résultats sont encourageants : parmi les trente élèves ayant suivi un stage intensif en 2019, vingt-cinq ont réussi à passer en deuxième année de médecine.
L’Occitanie en première ligne
Région très touchée par la désertification médicale, l’Occitanie développe des réponses innovantes. Depuis 2022, le dispositif « Ma santé, Ma Région » a permis la création de centres de santé publics dans les zones sous-dotées. Les professionnels y sont salariés, un modèle qui séduit ceux qui souhaitent éviter les contraintes administratives de l’exercice libéral. Déjà, plus de 250 000 consultations ont été réalisées dans les 22 centres ouverts, et la région prévoit de doubler le nombre de médecins salariés dans les années à venir.
La Région investit également dans la formation, avec l’option « Ambition études santé » ouverte dans plusieurs lycées, ainsi que dans le développement de formations pour les infirmiers et aides-soignants, afin de renforcer l’offre de soins de proximité. Des initiatives privées viennent compléter cette dynamique. À Toulouse et Montauban, par exemple, des infirmiers accompagnent les patients en téléconsultation, facilitant ainsi l’accès à des soins rapides et encadrés.
L’identification des zones en tension a par ailleurs été facilitée par un arrêté publié en mai 2025, actualisant les critères de zonage médical. Cette nouvelle méthodologie permet aux autorités de mieux cibler les territoires à prioriser.
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