Dossier – Airbnb en Occitanie : entre dynamisme touristique et déséquilibres locaux
La région Occitanie, riche de ses paysages variés et de ses hauts lieux touristiques comme Toulouse, Montpellier ou Carcassonne, est particulièrement touchée par le phénomène Airbnb. Si cette plateforme collaborative a offert de nouvelles opportunités économiques à de nombreux habitants, elle a aussi contribué à faire évoluer en profondeur les dynamiques immobilières, sociales et environnementales. Tour d’horizon d’un modèle qui, en Occitanie plus qu’ailleurs, cristallise espoirs et inquiétudes. Par Daniel Deswel, conseiller litige à l’UFC Que Choisir de Sète.
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Un levier économique local aux visages multiples
L'essor d'Airbnb a généré des retombées économiques immédiates pour les particuliers. En 2023, selon une étude réalisée par Inside Airbnb et croisée avec les données de l'Insee, près de 68 000 logements étaient proposés à la location saisonnière en Occitanie. Parmi eux, plus de 60 % étaient des logements entiers, montrant une prédominance de la location touristique plutôt que de la simple chambre chez l'habitant.
Ce modèle s’est révélé porteur dans des zones rurales en déshérence touristique : dans l’Aveyron, le Gers ou le Lot, des villages ont vu leur activité revivre grâce à l’accueil de voyageurs dans des gîtes transformés en logements Airbnb. Les propriétaires de ces biens, souvent des retraités ou des familles modestes, ont pu investir dans la rénovation de leur patrimoine grâce aux revenus locatifs.
Dans les villes moyennes comme Albi, Rodez ou Perpignan, la location saisonnière a également permis de capter une clientèle de courts séjours, en lien avec des événements locaux (festivals, congrès, manifestations sportives). Pour les commerces de proximité, ces visiteurs représentent une manne supplémentaire, notamment en période estivale.
Une transformation radicale des centres urbains
Les grandes villes occitanes sont en première ligne face aux conséquences de l’expansion d’Airbnb. À Toulouse, où l'on recensait en 2024 près de 9 000 annonces actives, les quartiers centraux comme Saint-Cyprien, Carmes ou Jean-Jaurès sont progressivement passés d’une occupation résidentielle à une fonction quasi hôtelière. Le phénomène est similaire à Montpellier, où près de 7 % du parc locatif du centre-ville est aujourd’hui converti en meublés de tourisme.
Ce déplacement de l’usage résidentiel vers l’usage touristique alimente une hausse des loyers : selon l’Observatoire des loyers de l’Agglomération Toulousaine, entre 2015 et 2023, les loyers des petites surfaces dans l’hyper-centre ont augmenté de 28 %, contre 15 % dans le reste de l’agglomération. La pénurie de biens disponibles à la location longue durée pousse à l’exode des jeunes, étudiants et familles vers des quartiers moins centraux, voire vers les communes périurbaines.
Ce mouvement contribue à une désertification du tissu résidentiel traditionnel, altère la mixité sociale et déstabilise l'économie locale en désaisonnalisant les revenus commerciaux. Dans certaines copropriétés, la cohabitation entre touristes de passage et résidents permanents devient difficile, générant litiges et tensions.
Des mutations sociales et culturelles
Le remplacement progressif des habitants par des visiteurs de passage a des conséquences moins visibles mais profondes sur le lien social. Les commerces du quotidien (boulangeries, services, librairies) cèdent parfois la place à des offres adaptées aux touristes (boutiques de souvenirs, bars à thème). Cette "airbnbisation" de certains quartiers nuit à leur fonction de lieu de vie durable.
Dans les communes littorales comme Sète, Gruissan ou Collioure, des habitants dénoncent une perte de repères culturels. Les festivités traditionnelles sont souvent détournées pour être mises en scène à destination d’une clientèle temporaire. Certains maires s’inquiètent d’un délitement du tissu associatif et d’un effritement de l’identité locale.
Pression sur les ressources et l’environnement
L’attractivité touristique de l’Occitanie repose aussi sur ses espaces naturels. Or, l’afflux de touristes via des hébergements diffus, difficilement contrôlables, provoque une tension sur les ressources : consommation d’eau accrue en période de sécheresse, déchets supplémentaires, parkings saturés.
Les parcs naturels régionaux des Grands Causses, des Pyrénées Ariégeoises ou des Corbières sont confrontés à une surfréquentation saisonnière. Des élus demandent une meilleure coordination avec les plateformes afin de limiter l’ouverture de logements non conformes (absence de tri, de systèmes de récupération d’eau, etc.).
Un encadrement juridique en renforcement progressif
Pour faire face à ces déséquilibres, la réglementation s’est renforcée. La loi Le Meur du 19 novembre 2024 introduit plusieurs mesures :
- L’enregistrement obligatoire en mairie de tout meublé de tourisme.
- Une limite à 90 jours de location par an pour les résidences principales.
- Un bonus fiscal réservé aux logements performants sur le plan énergétique.
En Occitanie, plusieurs villes ont adopté des règlements plus stricts. Toulouse applique une déclaration préalable assortie d’une compensation pour les logements transformés. Sète, très concernée, a mis en place une carte de zonage interdisant de nouveaux meublés touristiques dans certains secteurs saturés. Carcassonne, confrontée à une explosion des locations autour de la cité médiévale, envisage une taxe supplémentaire.
Vers un modèle plus équilibré ?
Des pistes émergent pour construire une alternative durable. Des collectivités, comme celles du Parc naturel régional du Haut-Languedoc, incitent les hôtes à signer des chartes de bonne conduite : nombre de nuitées limité, tri des déchets, respect des riverains.
Des initiatives citoyennes fleurissent également. À Uzès, un collectif de résidents a lancé une plateforme coopérative d’hébergement, avec des critères éthiques et écologiques. Ce type d’offre réconcilie accueil touristique et solidarité locale, en valorisant des séjours plus responsables.
Conclusion
Airbnb reflète en Occitanie toutes les tensions de l'économie collaborative appliquée au logement : entre opportunités de revenus pour les habitants et précarisation de l’accès à l’habitat pour les résidents permanents. Il est indispensable de poursuivre une régulation fine, tenant compte des spécificités territoriales.
La coopération entre élus, hôtes, plateformes et citoyens est la clef pour préserver le caractère accueillant de l’Occitanie sans sacrifier le droit au logement ni l’équilibre environnemental.
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